Accueil > Faits & Chiffres > Le plastique, un indicateur important de l’anthropocène et ses effets concrets sur un pays de l’Afrique de l’ouest : Le Bénin
L’homme comme force géologique
Depuis plus que 60 ans la production des matières plastiques ne fait que augmenter. Elle est entretenue par notre manière de consommer, emballer, sur-emballer et concevoir les appareils technologiques. Les emballages seuls représentent 26% du volume total des plastiques utilisés.
La production de plastique est passée ces derniers 50 ans de 15 millions de tonnes en 1964 à 311 millions de tonnes en 2014 et on prévoit un doublement dans les 20 ans à venir.
En extrapolant ces chiffres sur la technosphère, càd tout ce qui a été produit et transformé par l’homme, on arrive à 30 milliards de tonnes de matière, tandis que toute la population humaine ne pèse que 506 millions de tonnes.
Il est évident que la production de toute cette sphère laisse des marques dans le sol terrestre pour le futur : aluminium, béton, isotopes issus d’essais nucléaires, … et les matières plastiques, seront enfouies en tant qu’indices stratigraphiques pour le futur. C’est l’ère de l’anthropocène. L’humanité est devenue une force géologique à part entière.
Microparticules de plastique qui envahissent tout le vivant
A l’heure actuelle ce sont surtout les océans et les mers qui souffrent. Depuis 40 ans on utilise le symbole universel du recyclage et pourtant on ne recycle que 14% des emballages en plastique dont en final après retraitement ne restent que 5% effectivement récupérés. Pour 2050 on prévoit que les océans contiendraient plus de plastique que de poissons ! (pour 2025 on se tiendrait encore à 1 tonne de plastique pour 3 tonnes de poisson...)
Par conséquent chaque année environ 8 millions de tonnes se retrouvent dans l’océan pour y rester. Une partie s’accumule dans les vortex (une convergence de courants marins) pour former des gyres de déchets, dont le plus connu est celui du Pacifique, aussi appelé le 7e continent.
Mais il y en a d’autres qui sont autant objet de recherches dans des expéditions scientifiques pour y étudier l’état des lieux. Un exemple est l’association suisse « Oceaneye » qui contribue depuis 2010 à l’étude et l’analyse sur le terrain, de la pollution des océans.
La mer Méditerranée, plan d’eau fermé et bordé par une densité de population élevée, est un écosystème à forte concentration de débris marins.
La partie Est du waste patch de l’Atlantique Nord concentre de nombreux plastiques par le phénomène de convergence des courants marins.
Les cours d’eau du Rhône pourraient être une source importante de polluants plastiques en mer.
L’Atlantique Sud comprend, selon les modèles, une zone importante de concentration de déchets.
Comme le plastique n’est pas biodégradable, il reste dans les océans et se transforme avec le temps en microparticules, suffisamment petites pour pouvoir être absorbées par le plancton et ainsi rentrer tout au début dans la chaine alimentaire.
Les espèces suivantes sont autant plus exposées, ce qui est démontrés par des déchets de toute sorte et taille, trouvés dans le système digestif de poissons, tortues de mer, oiseaux et autres espèces vivant dans le milieu marin. Une autre particularité de la formation de ces microparticules est leur présence dans les sables de toute la planète.
Des tortues de mer ou poissons morts, on en trouve aussi sur les plages du Bénin. Selon la population locale, ce sont les effets de débris ingérés, surtout des matières plastiques, qui ont provoqué leur fin.
Pauvreté et la culture du plastique
Le Bénin est un petit pays de l’Afrique de l’ouest avec un climat tropical humide et une partie côtière de +/-150km. Les infrastructures sont encore très sous-développées et la nature semble plutôt intacte, même paradisiaque, mais se trouve, parsemée un peu partout par des sachets, sacs en plastiques et leurs fragments.
Ceci est la conséquence d’une part des débris emmenés par l’Atlantique et puis dispersés par le vent vers l’intérieur du pays et d’autre part d’une adaptation aveugle aux habitudes occidentales dont celle d’utiliser le sac en plastique comme emballage universel.
La nourriture se vend principalement en vrac dans les marchés et le long des routes. Une denrée nationale, « la pâte », faite de manioc, d’igname ou de maïs, compactée en boule, est emballée dans un sac, parfois 2. Il en va de même pour tout objet ou aliment acheté.
Depuis quelques années s’ajoute un autre problème : celui des portions d’un demi litre d’eau potable vendue dans des petits sachets en plastique, appelés communément “pur water’’. Des usines de production se sont établies et déversent par jour des centaines de milliers d’unités sur le marché. Après consommation, les sachets sont jetés par terre.
La matière très fine de polyéthylène est très versatile et facilement transportée par le vent et se retrouve partout dans la nature, des sols aux arbres.
Les conséquences sont désolantes.
Sensibilisation et prise de conscience parmi la population
Une prise de conscience du problème existe, la population se plaint de la lenteur du gouvernement. Des initiatives locales se forment, mais les autorités du pays ne se préoccupent que peu ou pas du problème. On est sous le soleil d’Afrique et tout prend son temps. D’autre part, la vente et l’importation des sachets sont aussi devenues un business lucratif.
une action à Cotonou
Au Bénin, les matières plastiques ne se recyclent pas ou peu et produisent plus de 72 000 tonnes de déchets par an.
Là encore existent des initiatives locales, comme
le centre Agriplas, une ONG de Développement communautaire et d’assainissement du milieu (Dcam/Bethesda).
Le centre recycle en moyenne 4500 kg de déchets plastiques par mois pour fabriquer des granulés, des broyats et des pellettes qui sont des produits semi-finis servant de matière première pour l’industrie de production d’objets en plastiques neufs.
Depuis plus d’un an, l’université d’Abomey-Calavi a interdit l’utilisation des sachets d’eau.
Des élèves d’une école à Agoué, un village sur la côte, forment une association pour encourager la collecte des déchets en attachant des bidons d’essence vides aux arbres.
Effets anthropiques au paradis
Les actions et initiatives restent trop ponctuelles. Au problème du traitement des déchets s’ajoute celui de l’habitude de les brûler y compris le polyéthylène, provoquant d’avantage d’émissions de toxines et de CO2, aggravant les effets du changement climatique et mettant en péril la santé de l’homme. La production du plastique représente 6% de la consommation planétaire de pétrole (soit l’équivalent de la consommation globale du transport aérien) et contribue à augmenter les émissions de gaz à effet de serre.
Le Benin fait parti des pays directement exposé à l’élévation du niveau de la mer et risque la perte d’une portion du territoire qui représente 10,6% de la surface du pays. Cela concerne directement 3 662 000 Béninois (INSAE, 2003). S’y ajoute le problème de l’érosion côtière.
Les modèles de prévisions décrivent de façon probabiliste à l’horizon de 2050 une hausse généralisée des températures, entre 0,9 (sud) et 1,1°(nord). Les périodes de pluie peuvent se décaler et diminuer, accroissant la saison sèche avec des effets dévastateurs sur la biodiversité. L’agriculture familiale, donc non intensive est très répandue dans ce pays, favorisant ainsi une culture diversifiée avec un effet drainant pour les sols.
En ce qui concerne la qualité des sols, une baisse des rendements futurs sera causée par des sècheresses. Les additifs toxiques chimiques du plastique, comme le BPA, le PVC, les retardateurs de flamme et autres restent des facteurs néfastes pour les eaux souterraines et affectent en Afrique directement les nappes phréatiques.
Les pays africains sont les premiers à sentir les effets anthropiques du dérèglement du climat. Dans ce sens il est important d’arriver à préserver ce qui est encore à préserver en évitant la déforestation, en favorisant des cultures agro-écologiques, en limitant les cultures intensives et surtout en rendant les pays plus indépendants par l’installation d’infrastructures de retraitement et de transformation de la matière première pour obtenir une réelle autonomie et une diminution des transports.
Virement vers une économie circulaire ?
Le problème de l’économie du plastique qui s’est définitivement installée sur toute la planète, ne présente tout compte fait d’autres solutions que de renforcer l’économie circulaire, de mieux organiser la collecte, le tri et de créer des infrastructures pour la réutilisation de la matière première. Pour des pays comme le Bénin avec un degré élevé de déchets, une évolution dans ce sens serait primordial, mais reste tributaire de fonds importants.
Ceci dit, le problème reste mondial, car les pays qui sont les plus grands producteurs de déchets et les plus pollueurs, sont encore très loin du compte quant aux choix judicieux et à long terme qu’il faudrait faire.
La transformation du plastique en diesel pourrait être une solution pour valoriser la matière première et faire disparaître les décharges, à condition de trouver un système efficace pour une collecte sélective. Sauf, ici on arrive sur une autre problématique, qui est celles des particules fines … Comme on est encore loin d’une sortie complète du diesel, ça pourrait être une option, en attendant une meilleure ?
Sources :
World Economic Forum
www3.weforum.org/docs/WEF_The_New_Plastics_Economy.pdf
www.onegreenplanet.org/news/human-p...
www.oceaneye.ch/notre-action/recherche/
www.dailymotion.com/video/x12fm11_p...
www.fraternitebj.info/dossiers/arti...
Konrad Adenauer Stiftung, politique en Afrique de l’Ouest
http://geopolis.francetvinfo.fr/les...
www.plasticpollutioncoalition.org