Introduction

Beaucoup de monde pense qu’il n’est plus guère possible aujourd’hui de récolter des minéraux esthétiques et variés en Auvergne et que, par conséquent, y organiser des sorties ne peut mener qu’à de piètres découvertes et de minces observations. Le présent article démontre que l’Auvergne mérite encore toute l’attention des amateurs des sciences de la Terre...

Le Projet

Bien que moins fouillé que les Alpes et les Pyrénées, le Massif Central recèle, comme tout autre massif montagneux, nombre de minéraux esthétiques et de sites géologiques remarquables. Une large prospection effectuée au cours de l’été 2007 dans les départements du Puy-de-Dôme et de la Haute-Loire avait pour objectif d’enrichir les camps de vacances scientifiques « Au cœur des volcans » et « Le monde des cristaux » de l’association Objectif Sciences. Il s’agissait d’inventorier les sites d’intérêt pédagogique accessibles aux enfants, d’enrichir les collections géologiques et minéralogiques de l’association et d’établir de nouveaux circuits pour les sorties pédagogiques. Les recherches se sont concentrées sur les volcans, le quartz, l’or Or Métal précieux. Dans le cadre du séjour Le TrésOR des MINES nous chercherons de l’or dans le Val d’Anniviers, à la batée. , les minerais de baryum (baryte), de plomb (galène), de molybdène (molybdénite), d’uranium (autunite et torbernite), et les pierres nobles (béryl, tourmaline, or Or Métal précieux. Dans le cadre du séjour Le TrésOR des MINES nous chercherons de l’or dans le Val d’Anniviers, à la batée. ).

Les Sources d’Informations

Les sources d’information utilisées pour cette prospection ont surtout été les cartes géologiques éditées par le B.R.G.M., Internet et la toponymie. Les populations locales ont parfois permis de préciser, confirmer ou compléter ces informations.
Les indications fournies par la carte géologique ont été difficiles à exploiter dans la mesure où la plupart des indices minéralogiques cités sont désormais comblés, recouverts par la végétation, situés dans des propriétés privées ou recouverts par des bâtiments.

Les observations de terrain

Bien que les affleurements constituent les meilleures sources d’information in situ, ils ne se sont révélés guère utiles pour la prospection des ressources minérales, la plupart des indices minéralogiques indiqués par les cartes géologiques étant désormais inaccessibles. Il a bien souvent fallu se contenter de pierres volantes, de l’analyse de la topographie et de la végétation pour localiser et échantillonner les minéraux.

Les sites volcaniques pédagogiques

Sites volcaniques prospectés

Document : OSI/Thierry Charrier

Dans le département du Puy-de-Dôme ont été retenus comme meilleurs volcans effusifs le Puy-de-la-Vache et le Puy-de-Combegrasse. Tous deux fournissent d’excellents spécimens de pyroxène que l’on peut échantillonner sur les chemins d’accès aux volcans. Les pyroxènes du Puy-de-la-Vache sont souvent noirs et brillants, mais ils ne dépassent guère les 3 mm. Ceux du Puy de Combegrasse, communément maclés, atteignent 8 mm, mais ils sont souvent recouverts d’une pellicule d’oxyde de fer.
Dans la carrière de scories du Puy-de-la-Vache, il est possible d’observer des bombes volcaniques de forme diverses (en fuseau, en chou-fleur, en bouse de vache) et des coulées dans lesquelles les bulles de gaz ont laissé des vacuoles très aplaties dans le sens du courant. Un sentier livre un point de vue sur le cratère égueulé et permet de gravir le sommet du volcan.
La carrière du Puy-de-Combegrasse est accessible par un sentier à partir du hameau de la Garandie, à l’ouest du Lac d’Aydat.

Puy de Combegrasse

Document : OSI/Thierry Charrier

On y observe diverses projections volcaniques à pyroxènes simples ou maclés. Certains échantillons riches en fer présentent de très fins cristaux d’hématite.

Parmi les volcans stromboliens intéressants et faciles d’accès ont été retenus le Puy de Dôme et le Puy Chopine. Ce dernier a l’avantage de se situer au contact du Puy des Gouttes, un volcan effusif, ce qui facilite la comparaison des deux types de volcanisme.

En Haute-Loire, le Mont Bar, près d’Allègre est un volcan strombolien ayant très bien conservé sa morphologie. Il est possible d’y échantillonner des brèches volcaniques et des projections de lave à grands nodules d’olivine.

Le mont Bar

Document : OSI/Thierry Charrier

La collecte d’échantillons est aisée dans une carrière située au sud-est du volcan et sur les affleurements situés au nord-est, au bord d’un chemin de terre. Dans les nodules, on distingue les chromdiopsides vert vif et les spinelles noirâtres des olivines vert-jaune. Les pyroxènes dépassent parfois le centimètre, mais ils sont peu représentés et toujours fragmentés.

Le volcan de Montpeloux, au sud de Saint-Anthème, dans le Puy-de-Dôme, est connu pour ses orgues basaltiques. Elles résultent du refroidissement d’un lac de lave formé à la suite d’une explosion phréato-magmatique. On observe également sur le site le contact entre les projections basaltiques et le granite.

Contact granite/basalte du Montpeloux

Document : OSI/Thierry Charrier

Des fragments de roches granitiques mêlés aux projections basaltiques témoignent de la nature explosive de ce volcan pourtant basaltique.

Un peu plus au sud, à l’est de Saint-Julien-d’Ance, un magnifique clapier d’orgues basaltiques permet d’observer de près la section hexagonale des orgues. Certains blocs renferment des nodules altérés rougeâtres d’olivine.

Clapier de Saint-Julien-d’Ance

Document : OSI/Thierry Charrier

Orgues basaltiques du clapier de Saint-Julien

Document : OSI/Thierry Charrier

Nodule altéré d’olivine

Document : OSI/Thierry Charrier

Les necks situés au nord de Saint-Anthème sont de beaux affleurements de basalte mais sans grand intérêt pédagogique car la roche y est homogène et sans cristallisations apparentes.

Le Quartz

Le quartz améthyste a été observé en faible quantité à l’ouest de Saint-Amant-Roche-Savine, dans le Puy-de-Dôme.

Carte de prospection de l’améthyste dans le Puy-de-Dôme

Document : OSI/Thierry Charrier

D’après les informations obtenues sur Internet et d’après le B.R.G.M., le secteur de Vernet-la-Varenne et de Chaméane, à l’est d’Issoire, serait parcouru par de nombreux filons de quartz améthyste. Cette zone reste à prospecter. Il semblerait, d’après la population locale, que la commune d’Auzelles recèle également de tels filons.

Des cristaux de quartz pluridécimétriques grisâtres et ternes abondent dans la carrière en activité de quartz au nord de Saint-Amant-Roche-Savine. Dans le quartz blanc massif, on observe quelques rares mouches de chalcopyrite, de pyrite et d’arsénopyrite.

Carte de prospection du quartz et de métaux

Document : OSI/Thierry Charrier

Du quartz faiblement cristallisé a été récolté à proximité du Col de Touté, à l’ouest de Saint-Amant-Roche-Savine. On stationne le véhicule au niveau du col, à droite en venant de Saint-Amant. De l’autre côté de la route, un sentier forestier non goudronné s’étend vers le sud. Il permet d’accéder au filon de quartz en 10 minutes de marche environ. Plusieurs blocs de quartz plus ou moins cristallisé marquent l’emplacement du filon, notamment à gauche du chemin. D’autres blocs sont visibles dans la forêt. Le quartz n’est que peu cristallisé bien qu’il forme parfois des cristaux de plus de 2 centimètres. Il est tantôt incolore, tantôt blanc, gris, noir ou plus rarement améthyste.

Un grand filon de quartz affleure sur plusieurs centaines de mètres aux Poizats, au sud de Verrières-en-Forez.

Quartz des Poizats

Document : OSI/Thierry Charrier

La notice de la carte géologique de Montbrison y indique la présence de minéraux uranifères, ce qui n’a pas été confirmé. Des traces d’arsénopyrite ont en revanche été reconnues.

Filon de quartz des Poizats

Document : OSI/Thierry Charrier

Filon de quartz des Poizats

Document : OSI/Thierry Charrier

On y observe aussi quelques nodules et des concentrations d’oxydes de fer rouges, bruns ou noirs. Le quartz cristallise légèrement (cristaux millimétriques).

Les indices de baryum

Minerai de baryum et plomb

Echantillon de 11 cm en provenance de Haute-Loire, à proximité d’Allègre.
Document : OSI/Thierry Charrier

Une grande partie des indices à baryte des cartes géologiques d’Issoire, de Montbrison et de Craponne-sur-Arzon a été prospectée. Seulement trois des sites confirmés par la prospection peuvent encore fournir des échantillons de baryte (sulfate de baryum) mêlée à plus ou moins de galène, de quartz, de fluorite, de chalcopyrite et/ou de sphalérite. Tous ces minéraux sont généralement massifs.

Baryte de Haute-Loire

Echantillon de 7cm
Document : OSI/Thierry Charrier

La baryte cristallise ponctuellement sous forme de petites crêtes imparfaites. On observe aussi quelques cubes et combinaisons cube-octaèdre de galène, parfois accompagnés de très fines gerbes de pyromorphite jaune (phosphate de plomb).

Exemple de pyromorphite

Largeur de l’image : 26 mm. (Celle-ci provient de la mine de Chaillac, dans l’Indre).
Document : OSI/Thierry Charrier

Deux des sites retrouvés se situent à proximité de Saint-Pal-de-Sénouire, en Haute-Loire. Le troisième se situe à l’est d’Allègre, dans le même département.

Les indices de molybdène

L’indice de molybdénite de Valensanges (au sud de Lézigneux, sur la carte géologique de Montbrison) a facilement été retrouvé. On peut stationner le véhicule au bord du chemin menant à Combeveille et traverser le champ, à droite, en direction de la butte.

Vue sur l’indice à molybdénite de Valensanges

Document : OSI/Thierry Charrier

On passe une clôture à l’angle nord-est du champ avant de continuer quelques mètres vers le nord. Des blocs de quartz à molybdénite sont rassemblés en bordure de champ. La minerai s’y présente en mouches fines et nombreuses dans le quartz.

Indices de molybdène proches de Montbrison

Document : OSI/Thierry Charrier

Un indice similaire a été découvert à Nuzin, près du point 617 indiqué sur la carte IGN. Le quartz y cristallise légèrement et les échantillons sont très peu nombreux, dispersés sur les sentiers.

Les indices d’uranium

Dans le Puy-de-Dôme, l’uranium a été exploité à l’est d’Ambert, au lieu-dit la Gourgougne, à Saint-Martin-des-Olmes et au lieu-dit Le Temple, à Grandrif. Ces sites ont, d’après les informations de la Mairie de Saint-Martin, été totalement réhabilités en 2005. La prospection réalisée sur place et à partir d’anciennes images satellite a permis de localiser les zones d’exploitation, mais plus aucune trace d’uranium n’est désormais apparente.

Les cartes géologiques d’Ambert, d’Arlanc et de Craponne-sur-Arzon indiquent de nombreux indices d’uranium. Aucun n’a été retrouvé. De la torbernite (phosphate uranifère) a cependant été observée dans une aplite en voie d’altération de la carrière de quartz en exploitation localisée entre Saint-Amant-Roche-Savine et la Chapelle-Agnon, à l’ouest d’Ambert.

Torbernite

Document : OSI/Thierry Charrier

La torbernite se présente sous forme de minuscules cristaux individuels ou surtout d’agrégats lamellaires vert clair ne dépassant guère 3 mm. Elle se développe dans l’argile remplissant les fractures de l’aplite et sur les feldspaths en cours de kaolinisation (altération en kaolinite). La collecte de spécimens intacts sur gangue est donc très difficile.

Les indices d’uranium de Lézigneux, au sud de Montbrison n’ont pas été retrouvés. Toute observation est rendue impossible par des remblais ou par la végétation.
De nombreux indices de la carte géologique de Craponne-sur-Arzon n’ont pas encore été prospectés. L’ancienne exploitation minière du quart sud-est de la carte est aujourd’hui clôturée et dédiée à la chasse privée. Aucune trace d’uranium n’y affleure.

L’or alluvionnaire

La zone prospectée comprend la vallée de l’Alagnon (secteur de Brioude, Massiac, Auriac-l’Eglise, Blesle) et la vallée de la Sénouire. Cette zone potentiellement aurifère a été choisie en raison de l’abondance des filons aurifères répertoriés sur le site Internet Mindat.org. La toponymie de certaines localités telles qu’Auriac et Lorie laissait supposer la présence d’or dans les rivières du secteur. Par ailleurs, la région de Massiac est très riche en stibine, un minerai d’antimoine communément associé à l’or natif.
Ce secteur ne livre pourtant pas de placers (concentrations d’or dans des alluvions). Les teneurs en or sont probablement trop faibles pour qu’on puisse y récolter des paillettes. Par ailleurs, de nombreux cours d’eau ont été aménagés (barrages), ce qui exclut la formation de placers.
Une paillette d’or d’un demi millimètre a toutefois été récoltée dans le Doulon, à 8 km de Pauhlaguet, en Haute-Loire.

Les pierres nobles

Le béryl et la tourmaline ont été recherchés en suivant les indications fournies sur les cartes géologiques d’Ambert et de Craponne/Arzon. Ces indices n’ont pas été retrouvés. Certains sont douteux, d’autres sont masqués par la végétation.
Un galet isolé de quartz à tourmaline a été retrouvé dans un remblai près des mines d’uranium de Saint-Martin-des-Olmes. Un échantillon isolé de pegmatite à tourmaline a été récolté dans un talus au lieu-dit Le Temple, à Grandrif.
Des cristaux de tourmaline dépassant le décimètre se sont développés au contact pegmatite-granite un peu au sud de Chaméane, à l’Est d’Issoire.

Découverte de l’été 2007 !

Document : OSI/Thierry Charrier

La principale découverte de cette prospection fut quelque peu inattendue. Il s’agit d’un site alluvionnaire à saphirs, rutiles, zircons (bruns ou hyacinthe), grenats, spinelles, etc. situé dans le nord de la Haute-Loire. Il apparaît, après recherche bibliographique, que ce site ait déjà été reconnu par le passé, mais sa localisation est imprécise et son existence demeure inconnue des amateurs de minéralogie. Il recèle des saphirs pâles bleus, rosés, incolores ou gris bleuâtre dont la dimension est généralement comprise entre 1 et 3 millimètres.

Saphirs du nord de la Haute-Loire

Le plus grand cristal mesure 4,5 mm.
Document : OSI/Thierry Charrier

Leur forme est bipyramidale, mais on n’observe que très peu de cristaux complets. Le plus grand spécimen récolté durant l’été 2007, incomplet, mesure 9 millimètres !

Saphir de 9 mm de Haute-Loire.

Document : OSI/Thierry Charrier

Un autre échantillon (trouvé à quelques centimètres seulement du précédent) est une section de plus de 5 mm d’un cristal bleu. La taille du cristal entier était vraisemblablement comprise entre 15 et 20 mm. Ces spécimens laissent présager de belles futures découvertes. La suite des travaux de prospection est programmée en octobre 2007.

Conclusion

Outre la mise à jour d’un site alluvionnaire à saphirs de belles dimensions, cette prospection a permis de compléter largement les collections pédagogiques de l’association Objectif Sciences. Elle l’a notamment enrichi de minerais (fer, cuivre, plomb, baryum, zinc, molybdène, uranium ; naturellement, aucun de ces minerais n’est dangereux pour la santé.) et de diverses variétés de quartz. Cette prospection a également élargi les connaissances que l’on peut avoir du secteur et favorisé l’élaboration de nouveaux itinéraires particulièrement intéressants et pédagogiques pour les enfants participant aux camps d’été « Le Monde des Cristaux » et « Au cœur des Volcans » du Centre de vacances scientifiques de Prabouré. Ceci permet en outre d’envisager de nouvelles formations pour les adultes incluant des sorties sur le terrain.

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