Accueil > Nos Actions > Références & Supports > Supports Pédagogiques & Techniques > L'historique des mines du Val d'Anniviers
C’est l’histoire d’une vallée alpine pas comme les autres. Celle d’une vallée ou le soleil brille toute l’année. Nous partons dans le Valais, en Suisse. Nous allons vous parlez d’un aspect de la vie pas moins riche en péripéties que le monde rural (l’agriculture pastorale) qui l’entoure, le tissu industriel (modernisation des installations de sport d’hiver) qui s’implante ou que l’aventure touristique qui commence. Mais d’un aspect plus discret dans le paysage même caché aux visiteurs : celles des mines. Elles peuvent nous paraître sales, laides, terreuses ou le travail y est ingrat et dangereux. Mais finalement elles sont magiques et secrètes. Elles ont inspiré nos participants…
Partons sur les pas des milliers de prospecteurs qui ont foulés ces terres par vagues successives, guidés par un rêve fébrile de fortune. Nous ne sommes pas en Californie ou en Alaska, ici, on ne cherche pas la pépite dorée mais le filon cuivré. Des milliers de permis de fouille sont délivrés par l’Etat. Des galeries sont creusées, des installations de traitement sont construites et des noms locaux émergents. La ruée aboutit rarement ou jamais, les prospecteurs rattachés à des commanditaires parfois mystérieux se succèdent, les vagues d’enthousiasmes retombent, minées par la faillite des exploitants. Les milliers de prospecteurs, les concessionnaires et les géologues laissent derrière eux des trous, des amoncellements de pierres cassées au marteau sur le carreau de la mine et des scories sur le site des anciennes usines de traitement que l’on peut lire dans le paysage, mais aussi des histoires et des légendes.
Grâce à Objectif Sciences International les enfants font revivre chaque été ces mines oubliées.
Introduction
Aujourd’hui nous connaissons plus de 333 espèces minérales en Anniviers et Tourtemagne, ce qui en fait la région de Suisse la plus riche minéralogiquement. Cela représente la moitié de tous les minéraux connus à ce jour en Suisse. (on explique cela par une grande variété d’éléments chimiques présents et une histoire géologique complexe). Kalicinite, turtmannite, zincostaurolite et argandite ont été découverts dans la région.
Exploitation de Cu, Ag, Co, Ni, Bi, Pb, Zn, Mg, amiante, pierre ollaire, Fe depuis plus de 3 siècle avec des périodes ou l’exploitation minière était parfois intense. 36 mines et d’innombrables indices métallifères en Anniviers, cela en fait la région de Suisse la plus riches en mine. 99 gisements, mines et indices localisés dans les 2 vallées. Les minéralisations peuvent être réparties en 2 groupes : Cu-Ag-Bi et Co-Ni-Bi.
Au 18éme siècle : de nombreux mineurs venaient d’Allemagne. En 1870, un rapport fait état de 400 mineurs dans la région.
Historique
On ne sait pas à quand remonte les premières exploitations en Anniviers. Au cours de la Préhistoire (Préhistoire : période allant de l’apparition des premiers ancêtres des Hommes, les hominidés, de environ 3 ou 5 Millions d’années à celle de l’écriture, à 3500 ans avant J.-C en Mésopotamie), il y a 10 000 ans les chasseurs-cueilleurs utilisaient des pierres pour la fabrication des flèches et des haches polies (âge de pierre). C’est à partir de l’âge du cuivre et l’âge du bronze que les hommes ont exploités les métaux (âge du bronze (Cu+étain) estimé entre 2 500 ans avant J.-C. et 1 000 ans avant J.-C). De nombreux objets en Cu, en bronze datant de la Préhistoire ont été retrouvés dans le Valais et des traces d’exploitations sont attestées dans tous l’arc alpin (Autriche, France, Italie et les Grisons).
A Tsampétros, au-dessus de Vissoie une galerie en forme trapézoïdale rappelle des exploitations médiévales (Le Moyen Âge est une période de l’histoire de l’Europe, s’étendant du V e siècle au XV e siècle, qui débuta avec le déclin de l’Empire romain d’Occident et se termina par la Renaissance et les Grandes découvertes.).
A Baicolliou (au nord de Grimentz) des datations sur du bois ont fournies des âges de 1691-1762.
1730 : 1ER concession minière pour tous le Valais, accordé à un Lord anglais, sieur Mandel à des conditions très favorables, pour 15 ans avec beaucoup de droits et peu d’obligation. Les habitants devaient même lui indiquer les minéralisations. Suite à un mécontentement de la population et sous prétexte de sa religion anglicane sieur Mandel est prié de quitter le pays en fournissant une quittance de ne jamais prétendre à ces mines.
1767 : exploitation du Cobolt et Kaffernigel (nickéline) par des concessionnaires : société Courten, Plumex & compagnie.
1784 : Le comte Gregory de Razoumowsky (1er vraie mention minéralogiques sur Anniviers et Tourtemagne) évoque la mine de Grand Praz, Collioux supérieur et Schonec.
1794 : Un noble Luder de Sembrancher obtient une concession de 30 ans pour les mines de Co
1810 : découverte de Plantorin et Moiry
1820 : remise en exploitation de Grand Praz
1831-1842 : des concessions aussi convoitées que contestées : l’état du Valais veut « favoriser l’érection des établissements qui changent nos roches en une source féconde de prospérité publique ». Concessions convoitées entre les différents concessionnaires, par M. Levrat de Paris, J.F. Ruol un propecteur français et Briand.
Mines en fonctionnement à cette époque : Bourrimonts, Gosan, Baicolliou, Biolec, Pétolliou.
Affaire Ruol : Ruol monte une société avec Raby et al. Ruol se fait chasser en 1836 par la paroisse de Vissoie pour conduite scandaleuse, négligence avec les explosifs, ivrognerie etc... Mais une nouvelle société française (dirigé par M. Baglioni avocat tessinois établit à Paris) avait soudoyé le conseiller de paroisse pour récupérer les concessions. Ruol fait un procès, il perd et quitte le pays.
Raby : 1er faillite en 1838 après une dépense totale de plus de 460 000 fr de l’époque. Il reprend en son nom Schonec et Biolec en 1842.
1844 : installation de Raby + Co de Ruol vendues à Charles Broukens (parisien)
1845 : Baglioni obtient pour 30 ans les concessions du Grand Praz, Plantorin et Zinal puis en 1848 permis de fouille pour Bécolliou, Pinsec, Gosan, Collious inf et Tignousa inf.
1848 : affaire de la mine de Gosan : 3 parties se disputent la mine : procès
Pour conserver le droit de l’exploiter un concessionnaire devait faire des travaux. « A chaque demande (de concession ou de fouille), c’est un procès ! » un député de 1856, au moment ou une nouvelle loi sur les mines est en préparation.
1849 – 1858 : la prussienne (royaume formé en 1701 et intégré en 1871 à l’Empire allemand) « Société d’Anniviers » avec des travaux dirigés par Gerlach et Ossent. Gerlach est un personnage central de la géologie suisse, il a dessiné la 1er carte géologique des Alpes penniques en 1864, auteur de plusieurs feuilles de l’Atlas géologique de la Suisse. Il laisse une magnifique collection de roches, de minerais, et métallurgique avec tous les stades de traitement du minerai.
A Grand-Praz, galeries de 800 pieds de longueur (environ 250m) et puits ; 164 t de minerai riche traité à Sierre, bénéfice de 176 000 fr (salaire moyen d’un mineur de l’époque 2.80 fr et le pain de seigle 0.15 fr). Si on compare les chiffres avec aujourd’hui cela fait 12 millions de CHF). Mine Gollyre : 500 à 600 quintaux (25 à 30 t).
1960 : ligne de train du Bouveret à Sion
1850- 1860 : engouement généralisé à cause des bénéfices. Beaucoup de demandes de concessions et de fouilles et de contestations.
1859-1886 : Adolphe Ossent l’entrepreneur minier. En 1865 il fait de gros travaux pour nettoyer et reboiser les galeries écroulées aux Moulins de St-Luc, aux Bourrimonts et à Baicolliou. En 1865 dernière exploitation de Gollyre. En 1886 Ossent tombe en faillite.
Seule la mine de Co de Kaltenberg (2500m) est exploitée par Dr Schacht.
1901 : création de la « Société des Mines du Val d’Anniviers » à Paris au capital de 6.5 millions de francs, propriétaire d’une grande concession incluant le Val d’Anniviers et de Tourtemangne. Malgré des estimations flamboyantes de l’ingénieur des mines l’exploitation ne commença pas véritablement. Selon des géologues les galeries étaient percées sans raison dans de mauvaises directions.
Les locaux disaient « le filon est à Paris ». Il semblerait que le seul but des dirigeants des sociétés exploitants ait été d’annoncer aux actionnaires le métrage de galeries excavées dans les mines, comme preuve d’avancement du travail, mais sans nécessairement que du minerai soit extrait. On appelle cela voler les actionnaires (même problème à la mine d’or
Or
Métal précieux. Dans le cadre du séjour Le TrésOR des MINES nous chercherons de l’or dans le Val d’Anniviers, à la batée.
de Gondo).
1910-1914 : La « Société Fermière des Mines du Val d’Anniviers » exploite le Cu à Baicolliou. Des usines de traitement du minerai sont construites (entreprise sérieuse). En 1913, juste avant la faillite de l’entreprise, cinquante-cinq hommes travaillent dans la mine à l’abattage et une vingtaine à l’usine de traitement.
Action de 100 CHF émise par la « Société Fermière des Mines du Val d’Anniviers ».
La Seconde Guerre mondiale :
Dès 1941, la pénurie de matières premières conduisit le Département militaire fédéral à demander au Bureau des Mines de l’Industrie de Guerre une évaluation des gisements d’Anniviers et de Tourtemagne. Les experts portent leur attention sur les mines de Cu de Baicolliou et de Co de Kaltenberg.
A Kaltenberg, les travaux de recherches sont vites abandonnés.
1941-1945 : « Société Mea-Metallminen AG Grimentz » veut tester de nouvelles méthodes de traitement du minerai à Baicolliou. 7 mineurs, pour la plupart des Anniviards, travaillent à l’abattage du minerai et triage au marteau sur le carreau de la mine et 7 travaillent à l’usine au grillage dans des fours : succès technique. Condition difficile.
Technique d’exploitation :
Comment expliquer des résultats remarquables alors que les mêmes gisements, exploités industriellement quelques années plus tard se sont tous soldés par une banqueroute ?
Technique Rabbau (Abbau : abattage du minerai, rauben : voler, piller) : terme inventé au début de l’ère industrielle, aux 19e et 20e siècles, par des ingénieurs des mines pour qualifier les travaux de leur prédécesseurs. La technique consistait à n’extraire que le minerai riche, sans rationnaliser les tracés de galerie ni leur gabarit. Le minerai était cassé puis trié au marteau sur le carreau de la mine. On travaille à la belle saison, les mineurs sont logés dans des petites baraques avec des matériaux trouvés sur place, peu d’infrastructures, interruptions selon la situation économique, les paysans y travaillaient pour arrondir les fins de mois : souplesse.
versus
Technique moderne : investissements dans infrastructures (téléférique, usine de traitement, bâtiments, logements, centrale électrique) et dans la préparation rationnelle des travaux souterrains : peu de marge d’erreur et besoin de régularité. Mais les gisements alpins ne sont pas réguliers.
La dynamite n’est apparue qu’à la fin du 19e siècle. Avant, les mineurs utilisaient un fleuret (équivalent d’une barre à mine) pour faire un trou dans lequel il plaçait de la poudre noire (encore utilisée dans les feux d’artifice et certains veilles armes, fabrique réputée à Aubonne). Ils devaient être 2 mineurs : l’un tenait le fleuret et le tournait de ¼ de tour, l’autre tapait à la masse pour enfoncer le fleuret.
A l’époque, les mineurs s’éclairaient avec des lampes à huile (de noix) dans les galeries.
Conclusion
Débutant au Moyen Age les recherches et les exploitations ont culminé au milieu de 19éme siècle ou des succès notables sont à mentionner. On sait que la mine de Grand Praz a eu un bénéfice de 12 millions de CHF actuel en moins de 10 ans.
Vient ensuite la période des échecs et des faillites, période d’où provient l’adage « Le Valais est riche en mines pauvres ». Mais finalement ces faillites ne sont pas dû à la pauvreté des filons mais à cause d’une exploitation industrielle mise en œuvre aveuglément par des ingénieurs diplômés plus intéressés à appliquer des méthodes qu’à les adapter aux données de terrain ou encore dû à des exploitants plus intéressés par l’argent des actionnaires que par le minerai.
A lire également : Les recherches menées par OSI dans les mines du Val d’Anniviers, en Suisse
Références :
Mines et minéraux du Valais. Tome 2. Anniviers et Tourtemagne. Stefan Ansermet et Nicolas Meisser. Editions Porte-plumes.